Cher lecteur, chère lectrice !
Permets-moi de commencer directement par le plus important : MERCI de ton précieux soutien, rien qu’en cliquant sur ton téléphone (ou ordinateur) afin de lire ce blog ! Je suis à chaque fois touchée quand quelqu’un me dit qu’il lit nos nouvelles – ou qu’il “nous suit” ! Donc voilà : aujourd’hui, j’aimerais commencer l’article en t’exprimant ma profonde reconnaissance pour ce temps (et donc l’amour) que tu prends pour m’accorder ton attention !
La 2e chose la plus importante est la suivante : nous faisons à nouveau une Action de Noël pour lever des fonds pour une petite école qui se bat contre la pauvreté de ce pays. Au détour d’une conversation avec ses day crews, Jérémie a appris que Naval et Miali qui travaillent dans son équipe de ménage, ont fondé leur propre école il y a 10 ans. Ce charmant couple dans la trentaine, parents de 3 enfants, ont décidé de travailler à 100 % pour Mercy Ships le temps que le bateau se trouve dans leur pays. Avec ces salaires généreux, ils rêvent un jour de pouvoir agrandir leur école. Ils accueillent aujourd’hui 150 élèves, répartis en 7 classes, de la maternelle au gymnase. Quand tu regardes les photos, tu verras que cela dépasse l’entendement, vu le taille du bâtiment. (Jérémie précise que celui-ci fait 255 m2.)
Notez l’ingéniosité de ces gens : un tableau noir ici sert des deux côtés ! Il y a deux classes différentes qui profitent ainsi du même tableau !
L’enseignement se donne en anglais et en français. Leur plus grande fierté est de voir que leurs élèves réussissent brillamment leurs études : 14 élèves sur 14 ont passé leur bac l’an dernier. Naval est en charge des maths, de la physique, de la chimie ainsi que des bases du mandarin. Miali s’occupe de former les enseignants qui n’ont pas eu la chance de passer par la case “université”. Ils prennent sur leurs week-ends pour enseigner les profs et habitent dans un petit coin de la maison qui leur sert d’école. Lorsque Miali nous a fait visiter les lieux, elle nous a humblement invités dans leur chambre à coucher, même à nous asseoir sur leur lit conjugal, afin de nous raconter leur histoire. Elle nous a partagé la difficulté des Malgaches de s’en sortir sans véritable éducation. Alors, avec son mari, ils ont décidé de dédier leur vie à ces enfants du quartier dans lequel ils habitent. L'écolage est de 10’000 Ariary par mois par enfant, ce qui représente 2.- frs. Avec cela, ils arrivent à payer les enseignants 40.- frs par mois (salaire moyen du pays : 50.- frs.) Si on fait le calcul, on se rend vite compte qu’ils n’arrivent à peine à se verser un salaire à eux-mêmes. Mais leur rêve est d’agrandir l’école, afin d’offrir des conditions meilleures aux enseignants et aux élèves et d’augmenter également leur capacité d’accueil.
Seules latrines pour les 150 élèves…
Ce qui nous a touché dans cette histoire, c’est que jamais personne ne se serait douté que derrière ce couple timide qui nettoie notre bateau se cachent un homme et une femme qui se battent à la sueur de leur front contre la misère de leur pays. Des directeurs d’école, professeurs universitaires, prêts à tout pour améliorer la qualité de vie de la génération suivante de Madagascar. Nous désirons apporter un coup de pouce à leur magnifique projet – et les encourager ainsi dans leur belle mission. Jérémie s’est penché sur les questions d’acquisitions de terrain. Contrairement aux coûts de la vie qui sont extrêmement bas ici, l’achat de terrain est très cher, particulièrement en ville. Pour réaliser leur rêve d’agrandir leur école, Naval et Miali auraient besoin de 30’000.- frs. Nous verrons ce que nous pourrons leur offrir, mais nous voulons y croire pour eux, et avec eux !
Si tu désires participer également, tu peux soit me Twinter en précisant “Projet Ecole”, ou verser sur notre compte bancaire CH058080800773960838 3 à la banque Raiffeisen. Pour les plus gros montants dépassant 500.- nos amis Déborah et Naina vivant ici sont d’accord de faire office de “banque” au travers de leur association, tout en vous permettant de déduire ces montants de vos impôts. Merci de contacter Jérémie pour avoir plus d’informations.(jeremie_valiton@bluewin.ch).
Nous annoncerons en janvier le montant récolté. Merci d’avance à tous ceux et celles qui participeront ! Votre geste (aussi petit soit-il) fera une grande différence ici !
Miali et Naval
Quant à nos nouvelles familiales, je t’avais parlé dans mon dernier article de la gastro et de l’anniversaire de Jeanne. Quelques jours plus tard, le 1er novembre, c’était au tour de Jérémie de subir et de célébrer les mêmes joies... Pour ceux qui le connaissent, vous n’aurez pas de peine à imaginer la torture que cela représentait pour lui – d'être forcé à s’isoler le week-end de sa fête. La règle du bateau est stricte : on ne sort de sa cabine que 48 heures après le dernier épisode de diarrhée... Pour le consoler dans son malheur, j’ai posté un message sur Teams en demandant aux membres de l’équipage de passer à notre porte et d’y laisser un petit mot sympa pour son anniversaire. Le résultat était touchant : des post-it recouvrant toute la surface de la porte, rédigés en cinq langues différentes au moins, accompagnés de dessins d’enfants. C’est ainsi que nous expérimentons au quotidien les joies et les peines de la vie en communauté !
En parlant de cette communauté, voici une brochette d’évènements qui nous ont bien fait sourire (ou pas...) ces derniers temps :
Jérémie qui tombe sur 2 têtes de chèvres dans le congélateur de la cuisine de l’équipage. La nouvelle règle est formelle : pas de carcasses d’animaux sur le bateau!
Pas évident de supporter l’odeur nauséabonde de l’estomac de vache qui est en train de se faire frotter avec l’éponge métallique par nos frères africains, pendant qu’on surveille la cuisson au four du brownie d’anniversaire...
(En revanche, regard délicieusement complice avec Jérémie lorsqu’il leur pose innocemment la question : “Est-ce que ça a un goût fort, quand on mange l’estomac de vache ?” et que leur réponse à l’unanime était : “Non, pas trop !” Visiblement, ils ne voyaient pas de quoi il parlait...)
Une situation comique mais qui aurait pu tourner au drame : un jour, j’ai reçu un message pour me demander d’aller parler d’urgence à un chirurgien italien qui s’était fait voler ses chaussures. Les aumôniers ont le beau rôle parfois... Je me suis fait insulter pendant 20 minutes en italien, sans rien comprendre alors que j’avais précisé dès le début à ce charmant docteur que je ne parlais pas italien. Il m’a fait descendre de force dans les vestiaires de l’hôpital pour me montrer le lieu du crime, il gesticulait dans tous les sens et n’arrêtait pas de pester contre Mercy Ships. J’ai mis en pratique tous les principes de l’écoute active, en hochant la tête de façon compréhensive, en essayant de me connecter à son émotion, en admettant que cela était inadmissible et surtout, en le rassurant que oui, nous allons tout faire pour essayer de rembourser ces chaussures d’une valeur de 500.-. La personne qui m’avait envoyé le message était du bureau suisse (apparemment ils n’ont pas de bureau en Italie) et m’a expliqué après coup qu’elle avait vraiment eu chaud que le fameux docteur d’un certain âge allait interrompre son mandat et laisser en plan tous les patients qu’il était censé opérer. Apparemment, mon approche d’écoute patiente et d’accueil de ses émotions lui a convenu. Il est resté avec nous. Quelques jours plus tard, après de multiples annonces sur Teams au sujet de ce vol, les “scarpe preziose” ont miraculeusement réapparu à l’endroit même où elles avaient été volées. J’aurai au moins appris deux mots en italien, avec cette histoire. Et les patients ont tous reçu la chirurgie pour laquelle ils étaient venus à bord. Ouf ! Ma plus grande victoire cependant était le grand sourire que le chirurgien m’adressait toujours, depuis notre petite discussion. Comme quoi, pas besoin de parler la même langue pour se comprendre, parfois!
Autre fait surprenant : lors d’une de nos rencontres hebdomadaires avec les autres mamans, le jeudi matin, nous nous sommes rendu compte que nous avions toutes nos règles, en même temps ! Une dizaine de femmes, une dizaine de cycles alignés - simplement par le fait de vivre sous le même toit...Incroyable, non ?
Lors d’un rassemblement culturel, nous avions invités des membres de l’équipage de différents pays à nous parler de choses qui avaient été choquantes pour eux en arrivant sur le bateau. Le plus drôle était clairement le monsieur malgache qui avouait en riant avoir été heurté par les “hugs” reçus par des femmes blanches, ici. “En plus, ma femme travaille aussi là ! J’avais toujours peur qu’elle voie ça !” Il a enchaîné en disant : “Par contre les autres day crews m’ont supplié de ne pas parler de ça, parce qu’ils aiment beaucoup ces contacts physiques !”
Depuis que les fêtes approchent, il y a eu apparemment quelques dérapages au niveau de l’alcool et plusieurs personnes sont rentrées bourrées sur le bateau. Pour éviter que cela ne s’aggrave, le capitaine a annoncé qu’à partir de maintenant, on allait tous se faire tester en rentrant de soirées. Hier soir, notre amie Carine n’a malheureusement pas passé le test (elle avait plus de 0.5%). J’ai souri jaune en observant que c’était notre ami Benjamin qui a dû intervenir pour faire “la police”, puisque son rôle sur le bateau est “Chef de la Sécurité”. Carine et Benjamin font tous les deux partie de notre “Couple Small Group”. Pas évident, ces casquettes différentes, quand on vit et qu’on travaille au même endroit, avec les mêmes gens tout le temps...
Même si cela fait presque un an et demi que nous habitons sur ce bateau hôpital, je ne m’habitue toujours pas au fait d’avoir des annonces dans les hauts-parleurs de ma chambre à coucher – parfois au milieu de la nuit ! Imagine te faire arracher au sommeil à 2h du mat’ par l’annonce retentissante, au-dessus de tête, que les équipes médicales d’urgences sont appelées immédiatement à la cabine 4034. Annonce répétée deux fois. Essaie de te rendormir après ça ! Ceci dit, je suis évidemment reconnaissante de ne pas faire partie de ces équipes qui doivent sauter du lit, s’habiller en vitesse et courir pour voir ce qui se passe. Reconnaissante aussi de savoir qu’en cas de besoin, nous avons accès à des soins médicaux H24 sur place. Pour la petite histoire : quand on entend ces annonces au milieu de la nuit, j’avoue, mon réflexe est de mémoriser le numéro de cabine – et d’aller zieuter le lendemain très tôt à l’étage en question pour essayer de deviner de qui il s’agissait (les noms sont affichés sur les portes). Parfois même, on se croise parmi les curieux qui essaient d’aller glaner les mêmes infos. Mais le secret professionnel est strictement respecté - il est rare que j’arrive à satisfaire ma curiosité. Le seul moyen de savoir ce qui s’est passé est si la personne elle-même te le raconte – comme ça a été le cas dernièrement lorsqu’il s’agissait d’une amie qui était tombée dans les pommes sur les toilettes, pendant sa gastro. Elle s’est légèrement ouvert le front et a eu droit à quelques points de suture.
La saison des litchis nous est parvenue sous forme de délicieuses fragrances dans l’air ! Quelle surprise, de dépasser en vélo de gros camions dans le port, et me retrouver à fermer les yeux, inspirer profondément et même à tourner la tête afin d’emmagasiner le maximum de ce parfum irrésistible. C’est bien la première fois que j’adore l’odeur émise par des poids-lourds ! Même en se promenant au Deck 8 du bateau, on sentait ces litchis parfumer l’air. Des centaines et des milliers de containers ont été embarqués en direction de l’Europe. Tu penseras à nous, quand tu verras ces fruits avec le label “de Madagascar” par chez vous !
En plus des litchis, nous avons également la chance d’entrer dans la saison des mangues ! Ces jolies boules rouge et jaune allongées qui pendent en grappes des arbres me font dire qu’il s’agit là des plus belles décorations de Noël !
En parlant de Noël : nous avons eu droit au joli spectacle de l’Academy (l’école sur le bateau). Quel plaisir de voir Jules jouer fièrement le rôle de Joseph - à tirer sa Marie dans un chariot qui représentait l’âne. Il y a quelques mois à peine, ce même Jules se cachait au fond de la salle sous une chaise, lors de sa “remise de diplôme de l’école enfantine”. Il a décidément grandi et mûri !
Comme l’an dernier, un concours de décorations de portes de cabines est lancé. J’ai décidé de me lancer dans la conception graphique cette fois. Avec de jolies images trouvées sur le net, j’ai demandé à l’imprimeur du coin de me faire une affiche aux dimensions exactes de ma porte. Voici le résultat :
Lors de la St-Nicolas, j’ai expliqué à Jules que celui qu’il avait connu en Suisse parlait le français - mais que le “Sinterklaas”, invité par nos amis des Pays-Bas, parlait le néerlandais, sauf quand il vient sur Mercy Ships. Là, il choisit de parler anglais. Jules me regarde avec de grands yeux et me demande tout surpris : “Il a appris l’anglais sur Duolinguo ?”
Marcel n’est pas à la traîne non-plus pour nous faire sourire. L’autre jour, je lui ai demandé d’aller chercher le coupe-ongles. Je l’entends fouiller dans le miroir de la salle de bain, et après ses recherches infructueuses, déclarer : “Bon ben, on a perdu le coupe-ongles Freddy !” (??? Non, nous ne connaissons absolument pas de Freddy par ici – aucune idée comment ce nom lui a traversé l’esprit ?!?)
Dans le cadre de la chorale du bateau (Key of Sea) l’apprentissage de “O Holy Night” (“Minuit Chrétien”) à 5 voix m’a appris une belle leçon : au début, lorsqu’on a commencé à l’apprendre en septembre, je trouvais cette version atroce. La voix que je devais apprendre sonnait bizarre et dissonante. Plus on avançait vers Noël, plus on arrivait à superposer ces différentes voix, et plus je commençais à comprendre la forme mélodique de ce chant. Au final, lors de notre concert mercredi passé, le résultat était vraiment magnifique, et j’ai compris que dans la vie, parfois, c’est pareil : on a l’impression que ce qu’on fait ne rime à rien. Le rôle qu’on joue, la personnalité qu’on a, la pierre que l’on peut apporter à l’édifice - tout cela peut paraître ridicule ou insignifiant. Il est bon de prendre du recul alors, d’essayer de voir la “big picture” et de réaliser que ma part à moi ne prend son sens qu’à partir des autres autour de moi. La vue de l’ensemble de la mosaïque donne une toute nouvelle dimension à la petite brique que je suis. En Afrique du Sud, ils ont un mot pour exprimer cela : Ubuntu. Cela signifie : “Je suis ce que je suis, grâce à ce que nous sommes tous. Mon humanité est liée inextricablement à la vôtre.”
Dans cet état d’esprit, Jérémie a mis sur pied une formation à l’entreprenariat pour les day crews au mois de novembre. Son but était d’équiper tous ces ouvriers locaux avec des outils pour se débrouiller professionnellement une fois leur temps sur le bateau écoulé. Pour cela, il a fait venir un enseignant brillant de l’Île de la Réunion, Alain Djeutang, pour transmettre son savoir sur trois jours. Au total, 145 Malgaches, hommes et femmes mélangés, ont reçu un enseignement de qualité de la part de ce Camerounais qui avait grandi en brousse. Il avait commencé à vendre du manioc et petit à petit, son commerce avait fleuri. Aujourd’hui, en plus d’être entrepreneur, il travaille pour la marine anglaise et française en tant qu’aumônier portuaire. Son parcours atypique l’a amené à parler 2 fois à la reine Elisabeth en personne. (Il était également invité, tous frais payés, à la cérémonie de mariage de Kate et William ainsi qu’à l’enterrement de la reine !). Son approche très terre à terre ainsi que son humour délicieux ont inspiré nos day crews à se lancer dans leurs propres affaires, une fois que le bateau sera parti. Jérémie a également apporté beaucoup de compléments d’informations avec son expérience en la matière (il détient un Master en “Entreprenariat et Innovation”). A la clé de cette formation, un concours a été ouvert pour désigner le meilleur projet d’entreprenariat. Sur 68 projets rendus, 10 ont été sélectionnés et les 3 gagnants vont recevoir des prix de respectivement 1000.- frs, 500.- frs et 300.- frs pour les aider à concrétiser leur plan. Ces montants ont été généreusement offert par des sponsors qui constitueront également le jury qui décidera des 3 vainqueurs. Je vous en dirai plus dans le prochain article.
J'aurais bien envie de te parler encore de la conférence pour femmes que j’ai aidée à mettre sur pied, mais cet article est déjà bien assez long. Je t’en parlerai donc aussi dans le prochain article.
Pour terminer, je t’annonce nos plans pour les prochains mois. Accroche-toi, car ça va déménager ! Nous partons le 25 décembre pour l’Île de la Réunion (Alain Djeutang viendra nous chercher à l’aéroport, le jour de Noël !). Nous y passerons 3 semaines, suite de quoi nous irons 3 semaines à l’Île Maurice. Le 8 février nous pourrons enfin entrer en Afrique du Sud où nous resterons jusqu’à fin avril. Nous ne pouvons pas naviguer avec le bateau directement comme l’an dernier, car cette fois, la période de maintenance sera de 4 mois au lieu de 2. Le bateau devra être mis en cale sèche. Le visa de marins ne nous permet pas de rester dans le pays plus de 90 jours – et Madagascar nous ferme également ses portes pour une question de visa, raison pour laquelle nous avons dû trouver un lieu pour séjourner avant de pouvoir rentrer en Afrique du Sud. Nous serons à nouveau à Durban de février à avril, mais profiterons de découvrir Cape Town avant Durban, où nous serons à nouveau cantonnés dans une circonférence de 15 km autour du port. Les enfants recommenceront l’école mi-février.
Quand Jules a vu cette photo, il a dit : “On dirait une maison, et moi, je suis dedans !”
Ensuite, nous naviguerons de nouveau à Madagascar fin avril où l’hôpital démarrera une nouvelle mission jusqu’en décembre. Notre aventure familiale avec Mercy Ships se terminera l’été prochain. Nous rentrerons pour le mariage de nos amis Lalou et Nicolas début juillet 2026. Voilà - cette fois, tu sais tout !
Je te souhaite une magnifique période de l’Avent, un temps de fêtes béni et un Noël rempli de Sens. Que Celui qui est venu remplir la crèche de notre humanité puisse aussi venir remplir ta vie de Sa lumière et de Sa paix.
